Le Ballet de Novossibirsk

Après une parenthèse au Théâtre de la Ville avec la présence précieuse d’Ana Laguna et Mikail Baryschnikov, les étés de la danse retrouvent leur public au Théâtre du Châtelet.

Cette année, sur le plateau de l’ancien théâtre parisien, le Ballet de Novossibirsk du Théâtre d’Opéra et Ballet de Novossibirsk.

Cette présence est organisée dans le cadre de l’année croisée France-Russie, deux pays étroitement liés en ce qui concerne l’art de la danse. En fait ce lien dure depuis longtemps : à partir de Marius Petipa, le Marseillais, invité en Russie en 1847 (pays où il restera jusqu’à sa mort) où il a été danseur, maître de ballet, pédagogue, chorégraphe, metteur en scène et professeur de l’école de ballet russe. Son patrimoine chorégraphique est revenu en France en 1910 avec les Ballet Russes de Diaghilev : tout d’abord Giselle et plus tard grâce à Noureev, d’autres grands classique du répertoire, de Don Quichotte à la Bayadère et Raymonda dont les français connaissaient seulement des extraits.

Dans l’histoire de ce lien entre les deux pays, il faut citer bien évidemment les Ballets Russes, qui connurent leur âge de splendeur dans la capitale française (on se souvient que la première représentation des Ballet Russes eut lieu en 1909 au Théâtre du Châtelet). Citons également George Balanchine qui commença à travailler avec Diaghilev et Stravinsky en 1924 et Rudolf Noureev, directeur de la danse à l’Opéra de Paris.

Aujourd’hui cet échange artistique continue avec la présence du Ballet de Novossibirsk, une des plus grandes compagnies de Russie, la troisième après le Bolchoï et le Mariinsky, qui revient en France après de nombreuses années pour faire revivre cette union entre la France et la Russie.

Un Gala a ouvert la série de représentations au Théâtre du Châtelet. Les artistes du Ballet de Novossibirsk avec les étoiles des principales compagnies de danse européennes (Bolchoï, Mariinsky de St. Petersbourg, Opéra de Paris, Staatsopera de Berlin) ont alternés les soli, pas de deux et variations brillantes sur les chorégraphies des russes Petipa ( même si d’origine marseillaise), Fokine, Balanchine, Massine, Noureev, Ratmansky. Leurs exécutions ont été superbes, riches et vivaces, donnant à voir un haut niveau technique et artistique.

A la fin de cette soirée, la compagnie de Novossibirsk a démontré tout son esprit d’ensemble et son dynamisme dans les Danses Polovtsiennes de Fokine.

Le deuxième programme a été entièrement dédié à Balanchine avec la Soirée Balanchine, composée de Serenade, Apollon et Who Cares ?

Sérénade fut créé par George Balanchine (1904-1983) le 9 juin 1934. Révélé par les Ballets russes de Serge de Diaghilev, installé provisoirement en France puis au Danemark, Balanchine a finalement choisi de s’expatrier aux états-Unis où il mènera l’essentiel de sa carrière. Si la musique de Piotr Ilitch Tchaïkovski fait ressentir une influence romantique, l’oeuvre présente toutes les caractéristiques du style néo-classique dont Balanchine est réputé être l’initiateur : sobriété des lignes, netteté du geste, vélocité de la danse.

Dans Serenade, les filles en tutus longs, dansent en reproduisant parfaitement tout le langage classique, construisent l’espace, verticalement et horizontalement. C’est sans doute un ballet très esthétique et moins maniéré que les chorégraphies plus tardives de Balanchine. Même si ce ballet ne présente pas de véritable argument et reste clos dans son formalisme, le final se développe avec une structure narrative : un homme aveuglé par la main d’une femme qui marche derrière lui entre en scène. Ils s’approchent d’une autre danseuse allongée sur le sol qui lèvera les bras vers lui comme des ailes d’ange. Une troisième femme paraît sur scène et elle s’élance dans les bras du jeune homme tandis que la jeune femme qui était au sol semble s’évanouir dans les bras du danseur. Il la pose doucement au sol en lui faisant retrouver la position initiale.

Le deuxième ballet, Apollon, fut présenté à Paris en 1928 dans le cadre des Ballet Russes avec le danseur Serge Lifar. Cet oeuvre marqua le rencontre artistique entre Balanchine et Stravinsky, une collaboration étroite qui dura pendant des dizaines d’années. Le compositeur de la musique choisit à nouveau de s’inspirer d’un sujet de l’Antiquité classique après l’oedipe roi . C’est un changement total de registre après le chaos et le rythme du Sacre du Printemps. Ici la musique est linéaire et uniforme, riche en mélodies.

Apollon reste un modèle de la danse classique au XXème siècle : sobriété et fantaisie, rigueur et liberté, abstraction et expression. Tout est dit en quelques minutes. Il raconte la montée au Parnasse des trois Muses : Calliope, la muse de la poésie ; Polymnie la muse de la pantomime et Terpsichore, la muse de la danse.

Les danseurs sont sublimes dans leur élégance et dans les corps sculptés, les mouvements parlent avec délicatesse, envahis d’un sens de mystère. Pour les costumes, Apollon a une toge retravaillée, avec une coupe en diagonale, une ceinture et des lacets montants. Les muses, créatures divines, ont un tutu classique très essentiel, court et qui descend juste sur les anches. Pour bien comprendre la valeur de cette pièce on peut citer quelques mots de Stravinsky :
 » Balanchine a trouvé pour la chorégraphie d’Apollon des groupes, des mouvements, des lignes d’une grande noblesse et d’une plastique élégante, inspirée par la beauté des formes classiques. Mais point de redondance : ballet blanc, sobre, dans l’esprit de l’école classique. Une tentative réussie de régénérer la danse académique « .

Pour terminer le programme de la soirée, Who cares ?, un ballet éblouissant sur 16 chansons de George et Ira Gershwin. C’est l’esprit du music-hall qui ressort, on ne pouvait pas penser qu’à une meilleure toile de fond, avec toutes les silhouettes des gratte-ciel de Manhattan qui accueillent les danseurs dans leurs costumes riches de paillettes aux coloris brillants.

Toute la compagnie est merveilleuse et agile, vivace dans son interprétation qui reprend les motifs du cabaret et suit parfaitement à la musique. Les quatre solistes sont remarquables dans la deuxième partie, menés par la force d’Igor Zelenski, aussi directeur artistique du Ballet de Novossibirsk et qui interprète les trois pas de deux. C’est la danse classique qui s’approprie de l’esprit du célèbre musicien américain et le transforme ainsi en un jeu brillant, riche, joyeux et vivant.

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